La Compagnie Saharienne - Carnet de route

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5 Octobre GENES (Italie)

Le patron vient de m'arrêter sur le quai à coté d'un gros bateau. Je suis un peu tremblant et inquiet, il parle de mal de mer et j'ai bien l'impression qu'il va me mettre dans ce gros machin et que l'on va partir "en mer". On vient de faire 850 km de goudron c'est "C....." (il dit qu'il faut pas dire comme ça...). Demain c'est l'Afrique.

11 Octobre SQUARE BRESSON

Il en faisait toute une histoire de "son" square Bresson, tu parles quelques vieux bidons, quelques têtes de palmiers qui ont bien du mal à sortir du sable... Lui évidemment il a vu ça il y a 25 ans, il y avait des beaux palmiers, de l'eau au fond d'une palmeraie en entonnoir comme dans le Souf autour d'EL OUED, mais c'est fini plus personne ne sort le sable.

On a bien dormi ici, c'est calme.

12 Octobre El HADJAR

Hier midi nous étions à OUARGLA. J'ai essayé de discuter avec des Peugeot 404 plateau, mais depuis qu'elles sont ici elles ont un peu oublié le français et c'est pas toujours facile de dialoguer (je ne parle pas l'arabe).

Je me doutais un peu de quelque chose hier, car il m'a mis 900 litres de gas-oil et 400 litres d'eau... c'est lourd. Ils ont pris du pain pour dix jours. Il est allé manger une glace et des gâteaux, il fait jamais ça en France, il doit préparer quelques choses et puis il m'a dit "tu reste ici, on va au resto manger du poisson..." Il c'est moqué de moi il n'y a pas de poisson dans le désert... et bien si, il a rapporté la carte du resto, il y en avait, ça alors ! !

Finalement on est partis à 15 h. Il m'avait prévenu ; c'est pas facile la piste, c'est d'ailleurs moins facile pour lui que pour moi ! ! ! On est arrivé tard ici, il y a un ancien Bordj, il est content il a retrouvé des coquilles d'huîtres qu'il avait mangé avec ses copains en 1982, qu'est ce qu'il est ringard, il y a un puits mais l'eau n'est pas bonne. Pas grave, tout à l'heure on va à un puits artésien ou l'eau sort à 39°.

Il est 6h15, il a déjà mis en route mon moteur... on n'est pas là pour rigoler... sur la piste, il le fait tourner à 1200 T/mn "pépère, sur le couple" oui il dit comme ça. C'est sympa on roule à 40-50 km/h, et même souvent moins, on a le temps de tout voir. Ils avaient l'air heureux tout les deux hier... moi aussi.

26 Octobre TAMANRASSET

Depuis plusieurs jours, je n'arrête pas de travailler, je n'ai pas une minute à moi pour écrire mon carnet de route. "On est arrivés à temps" il a dit le "chef" ah oui, ici le patron, il l'appelle "le chef" c'est marrant pour un gars qui travaille toujours tout seul...

Je ne sais pas où il m'a fait passer (mais lui il doit savoir) d'ailleurs cela m'est égal, mais "putain" (comme il dit) c'était beau ; du sable, des montagnes, des pistes, pas de piste : superbe.

Hier il m'a remis sur le goudron, ça aussi, finalement c'est rudement bien ; on s'y promène tranquillement, sans bruit, sans secousse.

La ville est sympa, un peu endormie en début d'après- midi mais le soir, c'est bien des petits bistrots, des restos, (le chef, il est pas très content, ils ne servent que de la gazouse à l'orange, au citron, ou un truc qu'ils appellent du cidre, c'est un peu comme du coca-cola mais par les arabes, et pas une goutte de vin...), des petites maisons en terre, des grands hangars sans rien dedans, (si on avait ça à Villededon...) des arbres et du pain, très bon pour eux, moi je me suis trouvé du gas-oil à deux francs le litre "ils sont fous ces arabes" qu'est ce que je vais pouvoir boire.

J'ai retrouvé trois cousins que j'avais perdu de vue depuis des années, des BERLIET GLR 160 et 200. Ils s'étaient expatriés au Niger et depuis plus de nouvelle, c'est sympa de se retrouver ici. Ils me disent que c'est très beau chez eux mais que c'est un peu loin, ils ne savent à combien de kms, ils n'ont plus de compteur depuis longtemps, il y en un qui n'a même plus de batterie. Le chef dit qu'il y a 600 km pour retrouver le goudron en direct, mais avec lui ça m'étonnerai qu'on y aille en direct.

28 Octobre TAMANRASSET

On est là depuis deux jours il a l'air de se trouver bien ici.

Des aérodromes je n'en ai pas vu beaucoup ; mais celui- ci il est pas mal. On ne fait pas vraiment la différence entre le parking où je suis et la piste où arrive un gros avion dans la poussière.

J'espère qu'il a des freins, parce qu'il vient directement sur nous. Mon cousin, le GLR 160 que j'ai rencontré l'autre jour, me disait que son graisseur avait tout enlevé (des freins) à l'avant parce que c'était "gâté". Ils ont de la chance, ici, les camions, ils sont gâtés alors qu'en France, ils travaillent.

Voilà les quatre copains du chef - trois filles et un garçon (ça va encore faire des histoires avec sa kamarade). Il y en deux , je les connais bien, ils étaient passés me voir quand j'étais tout nu dans son atelier. Ils vont sûrement pas me reconnaître.

Et que je te fais des bises et des bienvenues et des salamalecs etc... et rien pour moi, même pas un petit filtre, c'est pourtant pour moi (enfin à cause de moi) qu'ils sont venus ici. Ah ça y est il y en une qui vient "c'est toi Marius ?" elle est bête, comme si des Marius il y en avait plusieurs... "c'était bien la piste ?" - "ouai, ouai, tu verras bien tout à l'heure". J'ai peut être pas l'air aimable... mais comme questions idiotes c'est pas mal...

Il n'y a pas une heure qu'ils sont là et nous sommes déjà partis. Les cousins, tu sais les GLR, ils m'ont dit "tu verras une fois chargé, la piste c'est moins bien". Ca y est je suis chargé, eux quatre et leurs bagages même pas 400 kg c'est bien. Les cousins ils avaient 12 tonnes chacun.

30 Octobre TAGRINA

J'en ai plein les roues, hier soir ils voulaient dormir loin dans le désert. Evidemment ils sont venus pour cela. Mais moi, je commence à connaître, il y a trois semaines que je fais de l'assouplissement de ressorts (tu sais comme au Gymnaseclub).

Hier soir il (le chef) a trouvé un endroit superbe ; du sable et... comment dire... des champignons, oui des espèces de morilles pour dinosaures car elles font entre 5 et 10 m de haut, j'avais jamais vu ça, et vous ? Paraît-il que c'est comme cela jusqu'à la frontière de chez mes cousins au Niger, plus de 400 km, mais eux, ils passent par la vraie piste plus à l'ouest, les pauvres, c'est tellement beau ici et on est tout seul. Quel repos.

Mes passagers ont pris une douche et même du champagne, quant à moi, il m'a donné un litre d'huile en me disant que j'en avais assez. Mais du gas-oil je lui en ai consommé plus de 40 litres au cent. Il boit bien lui, mais pas autant que moi...

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